de 1786 à 1944
l’aventure de la presse écrite
en Basse-Normandie
Jean QUELLIEN - Christophe MAUBOUSSIN
Ed. Les Cahiers du temps - Centre Régional des Lettres de Basse-Normandie, déc 1998
Le régime instauré en 1870 et qui devait s'éteindre en 1940 demeure aujourd'hui encore le plus long que la France ait connu depuis la chute de l'Ancien régime. La naissance de nombreux journaux, aujourd'hui disparus, est contemporaine de l'émergence du débat politique. L'explosion des titres au début de la Troisième République s'explique parce qu' il " [...] a toujours existé, une étroite relation, en France, entre la vie politique, la presse et l'appareil médiatique [...] " écrit Marc Martin, auteur de Médias et Journalistes de la République1, livre remarqué lors de sa sortie en 1997.
La presse, quelle que soit l'époque, est le reflet de la société et c'est avec une rapidité prodigieuse que l'on se retrouve plongé en pleine affaire Dreyfus, en pleine Séparation. Le climat qui régnait au début de la Troisième République puis jusqu'à sa chute tragique était délèterre. Les propos tenus alors étaient d'une rare violence. La diffamation était monnaie courante. Violemment pris à parti par l'extrême-droite pour avoir fait interdire les ligues - particulièrement bien implantées en Basse-Normandie, Roger Salengro, ministre socialiste de l'Intérieur du gouvernement du Front Populaire, mit fin à ses jours après une campagne de presse particulièrement odieuse.
C'est en usant de sous-entendus et autres jeux de mots douteux que le Courrier de Flers, organe du baron Roulleaux-Dugage, candidat ultra-conservateur, attribua à Georges Bidault, membre du Parti Démocrate Populaire, P.D.P., des pratiques sodomites... Si le débat a gagné en dignité, certains réflexes perdurent. Et c'est une classe politique déconsidérée, car atteinte par les affaires, qui apportait à ses adversaires, et sur un plateau, les verges qui devaient ensuite servir à la fouetter. Adversaires qui n'entendaient se servir de la démocratie que pour mieux renverser la République.
C'est également pour se garder des dérives autoritaires et fascistes - voir à ce sujet l'Ordre moral et Vichy - qu'il est bon de rappeler que la liberté d'expression est un droit inaliénable. Aucune loi n'interdira de s'exprimer. Même aux pires heures de l'Occupation, la presse clandestine circulait.
La Génèse
Le premier journal de Basse-Normandie portait le titre d'Affiches, annonces et avis divers de la Basse-Normandie. Il était le déjà lointain héritier de la Gazette de France, créée en 1631 par Théophraste Renaudot. Publié la première fois le 2 janvier 1786, il était imprimé à Caen par l'imprimerie Poisson. Son fondateur, François Lepeltier, en confia la rédaction à Pierre Michel Picquot, jeune avocat, jusqu'à la nomination de François Moysant en 1788. Figure de la vie littéraire caennaise, Moysant était également censeur royal. Le choix de Lepeltier ne relevait donc pas du hasard. Il se prémunissait ainsi d'une censure aveugle. Cet hebdomadaire, tiré à 500 à 600 exemplaires, était vendu à Caen pour la somme de 6 livres par an.
Ce premier journal traça le chemin à de nombreuses autres feuilles. Ainsi, en janvier 1788 fut créé les Affiches, annonces et avis divers pour la province du Perche. Il s'agissait du premier journal d'obédience catholique puisque fondé par l'abbé Burat. Originaire de Mortagne, ce dernier officiait néanmoins à Paris. Il dut recourir aux services de l'imprimeur alençonnais Jean-Zacharie Malassis, lequel avait été embastillé en 1771 pour avoir publié des ouvrages interdits. Sa faible audience eut raison de son existence après un an d'exercice.
Les tourments de la période révolutionnaire | ||
Omniprésente sous l'Ancien Régime, la censure disparait sous les coups de boutoirs de la Révolution. Les Constituants, en rédigeant la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, firent de l'article 11 l'un des fondements de notre Société : | ||
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Pierre Michel Picquot créa en janvier 1790 le Courrier des cinq jours, lequel devint en 1791 lors de l'apparition des départements, Courrier du Calvados. Peu avant, Desmares, également avocat, avait fondé le Journal patriotique de Basse-Normandie, qui pouvait se targuer d'être le premier quotidien de la région. Conservateur, ce journal exprime sa défiance envers la Constituition civile du clergé, ce qui, en cette période confuse et pour la moins dangeureuse, incita semble-t'il Lepeltier à en cesser la parution. Plus à l'Ouest, à Vire, un imprimeur, Jacques Malo, fonde avec un dénommé Lallemand, le Courrier des campagnes. Vendu 1 sou, ce journal est destiné aux masses populaires. Anticlérical, il exprime son aversion à l'encontre de l'Église dans son édition du 20 mai 1791 : | ||
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Dans la Manche, le premier journal fut créé en 1790 par Mithois, professeur du collège de Coutances. L'Argus fut le seul journal publié à cette époque jusqu'à l'apparition en 1792 des Entretiens patriotiques. 1792 marque le début de la Terreur et d'une lutte pour le pouvoir. Le Courrier républicain, organe des Girondins, s'en prend aux chefs de la Montagne, Marat et Robespierre, respectivement qualifiés de "scélérat" et "d'aboyeur sans génie, de crapaud, et d'insecte". Le coup de force des députés montagnards contre les députés girondins, le 2 juin 1793, sonne le glas du Courrier républicain. La chute de Robespierre (juillet 1794) et l'avénement du Directoire autorisent plus de tolérance, ce qui semble servir les journaux conservateurs. La Renommée de Mortagne ne semblait guère épouser la République. À Caen, le Journal général du Calvados affiche clairement sa symathie à l'égard de l'Ancien régime. En réaction, et devant les progrès des monarchistes, Jean Boulay-Malassis, fonde en septembre 1796, toujours à Caen, la Gazette universelle. |
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La victoire des royalistes aux élections pousse le Directoire au coup d'État du 18 fructidor (septembre 1797). Une quarantaine de journaux de droite sont interdits. Les lois des 19 et 22 fructidor placèrent la presse sous le contrôle de la police. À la fin du Directoire, seule la Gazette du Calvados subsistait jusqu'à sa disparition en juin 1799, ce qui laissa la région sans presse jusq'en septembre, avec l'apparition de la Gazette des départements de l'Ouest. Les circonstances facilitèrent l'arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte, à la faveur du coup d'État du 18 Brumaire. Dès lors, la presse vécut sous la censure. François Lepeltier, lequel avait fui en 1793, reprit la Gazette des départements et lui redonna le titre de son premier journal Affiches, annonces et avis divers de la Basse-Normandie. Lepeltier, inquiété sous la Révolution, son journal avait été saisi, entrait ainsi dans la ligne éditoriale définie par le premier consul, comme en témoigne l'extrait ci-dessous : | ||
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La Restauration | |
La monarchie censitaire, comme l'Empire, n'eut de cesse de contrôler la presse. Pas moins de 18 réformes législatives régirent son fonctionnement sous ce régime. La Restauration tente par tous les moyens de l'étouffer, comme en témoigne la caricature reproduite ci-contre. La loi Serre introduit le cautionnement en 1819. En cas de condamnation, la caution est encaissée par le Trésor. Cela signifie pour nombre de journaux une cessation pure et simple d'activité. Les journalistes sont donc obligés de pratiquer une certaine forme d'autocensure, ce qui n'empêche pas le Préfet de procéder à une relecture des articles avant parution. Au sortir de l'Empire, la presse bas-normande se limite à un journal par département : Journal du Calvados, Journal de l'Orne, Journal de la Manche. Composée du doyen de la faculté de droit, du secrétaire de la faculté de sciences et d'un abbé, la commission de censure ne déborde donc pas d'activité. Son rôle, selon le préfet, est d' « (...) d'écarter des écrits soumis à son examen tout ce qui pourrait porter atteinte à la religion, au Roi ou à la légitimité et aux intérêts reconnus et consacrés par la Charte ». |
La création sous l'Empire des feuilles d'affiches, annonces et avis divers avait doté les plus petites villes de journaux. Ce mouvement s'amplifie sous la Restauration et d'innombrables feuilles voient alors le jour telles les Affiches, annonces et avis divers d'Argentan ; de la ville et de l'arrondissement de Bayeux ; à Mortagne ou encore L'Hebdomadaire à Vire et bien d'autres. Non politiques, ces journaux relatent les faits divers, le cours des matières premières. Ils sont les ancêtres des journaux d'arrondissement. Les feuilletons font leur apparition, tiennent les lecteurs en haleine d'une parution à l'autre et contribuent ainsi à les fidéliser. La tentation est néanmoins grandissante de prendre part au débat politique. À Saint-Lô, L'Écho, Journal du département de la Manche, dirigé par Julien Travers, exprime nettement les idées anticléricales de ce dernier. Aussi, peu à peu, et non sans condamnation et autres tracasseries administratives, quelques journaux passent sous les fourches caudines de la loi, ce qui conduit incontournablement à la création d'une seconde feuille d'avis contraire. C'est ainsi que de simples bourgades telle Honfleur voient s'affronter L'Écho honfleurais et le Journal de Honfleur. |
Le sous-préfet écrit au sujet du premier : « le fonds est fait de mauvais sentiments et d'idées révolutionnaires » alors que le second « n'a jamais voulu prêter ses colonnes aux attaques des hommes passionnés, ennemis du gouvernement (...) ». Cette presse d'arrondissement forme bel et bien l'ossature de la presse régionale. |
Cette période marque les débuts de la publicité dans les journaux. Très vite, les rangs serrés des vainqueurs se distendent. Républicains modérés d'une part et démocrates et socialistes de l'autre s'affrontent. Domin, ancien avoué, monarchiste convaincu, fonde alors L'Ordre et la liberté. « Il n'y a plus que deux partis en France : d'un côté, une faction anarchique, de l'autre, la France qui lutte pour ne pas tomber dans le gouffre où cette faction veut l'entraîner. Nous sommes du parti de la France » peut-on lire dans cette feuille. La tension monte dans Paris. En juin 1848, le général Cavaignac, sur ordre du gouvernement, réprime dans le sang les ouvriers insurgés par l'annonce de la fermeture des ateliers nationaux. Le cautionnement est rétabli. La Mennais, démocrate d'obédience chrétienne, a ces mots lorsque son journal, Le Peuple constituant, disparaît : « Il faut de l'or, beaucoup d'or pour jouir du droit de parler : nous ne sommes pas riches. Silence aux pauvres ». Les heurts sont fréquents, le pouvoir vascille. Les élections présidentielles approchent. Deux candidats sont en lice : le général Cavaignac, chef du gouvernement depuis juin, et le neveu de l'Empereur, Louis-Napoléon Bonaparte, alors complètement inconnu. Le Journal de Cherbourg écrit : « Napoléon n'est qu'un nom, un nom n'est pas un homme et c'est un homme qu'il faut à la France ». Le Journal d'Alençon, Le Pilote, Le Haro se prononcent contre lui contrairement au Phare de la Manche, au Patriote de Saint-Lô. L'Ordre et la liberté prend fait et cause pour Louis-Napoléon : « Il est un nom. Ce nom a une puissance magique ; il rappelle le rétablissement de l'ordre en France ». | |
Les résultats plaident en faveur de Louis-Napoléon lequel a obtenu 75 % des suffrages alors que la majorité des journaux s'était prononcés contre. Les législatives d'avril 1849 entérinent cette victoire. C'en est bel et bien terminé de la liberté, toute relative, dont jouissait jusque là la presse. Nombre de journaux tombent, certains résistent à la Réaction. Pont, le très républicain directeur du Haro, parvient à fonder Le Suffrage universel : « L'ignorance, la misère, la calomnie et l'égoïsme peuvent encore, pour quelques temps, fausser le suffrage universel ; mais l'époque n'est pas éloignée où le peuple comprendra ses véritables intérêts ». Le plus ancien journal de la région, Le Publicateur de l'Orne, naît à Domfront en 1850. Il se fait le porte-parole du gouvernement et la droite. La Manche, créée en 1851, a pour sous-titre : " Religion, propriété, famille ". L'Orne, fondée en novembre 1851, ne manque pas de défendre des idées républicaines : « Il faut accepter comme inévitable la révolution sociale que la presse doit accomplir ; on peut entraver la presse dans la marche que lui tracent les événements, mais on ne peut l'empécher de changer la face du monde ». Il n'y a pas de second numéro, Bonaparte met à un terme à la république à la faveur du coup d'état du 2 décembre 1851 et devient empereur un an plus tard. |
Un paradoxe caractérise ce régime. Jamais autant énergie ne fut déployée pour museler la presse alors qu'elle atteignait toutes les classes de la population. Louis-Napoléon, imitant là son oncle, se débarasse rapidement des journaux qui lui sont hostiles. Le Haro et Le Suffrage universel, des feuilles "rouges" sont interdites, le Journal de Cherbourg est suspendu. L'autorité des préfets est renforcée alors que le cautionnement est porté à 7500 francs au lieu de 1800 francs. Peu de journaux sont donc créés, guère plus d'une trentaine en 20 ans... et le tiers entre 1868 et 1870. | |
Le Moniteur du Calvados et L'Ordre et la liberté se distinguent par le nombre de leurs abonnés et le Pilote reste le seul organe républicain mais est absorbé en 1857 par le Moniteur. Ce titre personnifie à la perfection le rôle que les préfets faisaient jouer à un journal totalement sous contrôle. En face, seul L'Ordre et la liberté symbolise la presse d'opposition, et encore ce journal conservateur est d'obédience légitimiste. Les républicains, Georges Mancel et Barthélémy Pont en tête, tentaient en vain de faire passer leur message : le lectorat était résolument passé à droite. L'Éclaireur puis Le Progrès du Calvados parurent moins d'un an. |
Le pays est sous le choc, l'Empereur est le prisonnier de Bismarck. Le Moniteur du Calvados est abasourdi : « Où allons-nous ? » se demande-t'il. Paris est assiégé. Le gouvernement prend une série de mesures libérales, le timbre et le cautionnement sont supprimés. Tous les journaux peuvent dorénavant traiter de politique. Paris capitule. Bismarck impose la tenue d'élections législatives en février 1871. Les conservateurs l'emportent. Les républicains comme les légitimistes, représentés par Thiers, alors chef du gouvernement, avaient subi les foudres du régime antérieur. Thiers classait la liberté de la presse comme faisant partie des « libertés nécessaires ». C'est alors qu'en mars la Commune éclate, le peuple de Paris se soulève, une fois encore, après 1789, 1830 et 1848, et tient la capitale. Le gouvernement se réfugie à Versailles. La Commune prend des mesures contre les journaux conservateurs et républicains. | |
Une presse jacobine, socialiste et anarchiste fleurit alors. La répression est sanglante à l'image de l'exécution des fédérés au cimetière du Père-Lachaise. La République, restaurée, est plus que jamais aux mains d'un parti conservateur qui aspire à restaurer la monarchie contre l'anarchie. C'est le début de l'Ordre moral. Une série de mesures drastiques est adoptée, restreignant les libertés individuelles et le droit d'expression. Partout en France les Préfets interdisent les journaux jugés coupables de partager les convictions de la Commune ou tout simplement républicain. Dans le Calvados, Le Franc-parleur normand « [...] qui ayant soutenu la Commune de Paris, est condamné sans rémission le 16 juin 1871 ; quant au Courrier de Normandie, quotidien républicain publié à Caen, du 16 janvier au 17 juin 1871, il avorte sous prétexte du rétablissement du cautionnement [...] ». |
Fin septembre 1877, L´Ordre et la Liberté publie un manifeste signé par nombre d´aristocrates députés ou Sénateurs invitant les électeurs à se prononcer pour les candidats conservateurs. Les dernières lignes anticipent la loi de séparation, crainte parmi les craintes de nombre de conservateurs dont Auguste Leprovost-Delaunay, bonapartiste, qui estime dans L´Écho bayeusain, que si Mac-Mahon n´était pas là : « [...] de graves dangers menaceraient la Religion [...] » C´est l´un des points du programme de la Démocratie républicaine socialiste de la Seine que les Conservateurs dénoncent. | |||
L´Ordre et la Liberté reproduit le programme des républicains socialistes, lesquels réclament :
Nombre de ces propositions feront l´objet, plusieurs années après, d´une attention notamment en ce qui concerne la séparation, l´instruction et la loi sur la presse. L´Ami de l´Ordre, organe bonapartiste, met l´accent sur le danger d'une victoire républicaine :
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La vie politique, au début du siècle, suivait un rythme désormais bien connu, scandé par des renversements d'alliances et des chutes de cabinets ministériels, complètement imprévisibles, mais tout aussi attendus que les élections législatives générales qui se déroulaient tous les cinq ans. Aussi, était-il prévu de procéder en 1906 au renouvellement de la Chambre des députés. | |
La législature qui s'achevait, expirait dans un climat exécrable, nourri par les passions de l'heure : l'Affaire Dreyfus, celle des Fiches et l'adoption de la loi qui instaura la Séparation en décembre 1905. Au sujet de cette dernière, Le Glaneur, édition bayeusaine de la très républicaine feuille caennaise le Réveil Normand, eut ces mots :
Si partout en France, cette élection vit s'affronter "Réactionnaires" et "Blocards", conservateurs et républicains, ce n'était pas le cas à Bayeux où la gauche, quasi inexistante, ne présenta pas de candidat. L'effet conjugué des candidatures du baron Gérard, député monarchiste sortant à la forte personnalité, et du nationaliste Louis d'Arthenay, avait annihilé de facto toute chance de succès républicain. L'antisémitisme et le complot judéo-maçonnique revenaient sans cesse dans les colonnes. Le Glaneur de la Manche évoquait la "Constitution tronquée". Ce même journal dénonçait avec La Revue antimaçonnique la "trahison des Loges" et la "conjuration juive". |
Lors des élections législatives de 1910, Adrien Dariac, candidat de la gauche était soutenu par L'Avenir de l'Orne, tandis que l'Indépendant de l'Orne propageait la bonne parole du comte de Lévis-Mirepoix, député sortant |
Dernier candidat, avec Ernest Flandin et Jules Delafosse, à se réclamer du bonapartisme, Fernand Engerand, député de la seconde circonscription de Caen, était le fils d'Auguste Engerand, élu en 1889 sous l'étiquette bonapartiste-boulangiste dans la circonscription de Caen I. Auguste Engerand écrivait à la fin des années 1870 dans L'Ami de l'Ordre, organe bonapartiste. Si les républicains, forts des succés de Henry Chéron dans la première circonscription de Caen et d'Albert Mahieu à Cherbourg lors du scrutin de 1906, ne faisaient plus figures de novices, ils eurent bien des difficultés à trouver un homme pour affronter le député sortant de Caen. Journal de Cherbourg, républicain de concentration des Groupes de gauche, élection législative de 1906. |
Les républicains font quelques progrès, emportent quelques mairies. Les socialistes n'ont, dans la région et à cette époque, jamais vraiment réussi à s'imposer. Quelques journaux virent cependant le jour. L'un des premiers fut sans doute Le Haro en 1892, suivi en 1902 par Le Travailleur socialiste, en 1905 du Semeur et de Combat en 1907. Bien d'autres suivront après guerre. |
Le sensationnel fait ses débuts dans la presse. Le Nouvelliste en est la parfaite illustration. Le temps est à la fête, on ne se soucie guère du lendemain et on annonce un bel été. |
La guerre éclata soudainement bien que le climat était tendu de longue date et notamment depuis Agadir. Des alliances s'étaient constituées et le service national avait été porté à 3 ans en 1913. Mais l'esprit de revanche était bel et bien réel. Ne fallait-il pas un jour ou l'autre reprendre les provinces "perdues" en 1871 ? Le Bonhomme Normand se fit l'écho de l'imminence de la guerre en titrant "La Guerre Menaçante" (ci-contre). Le conflit créa aux journaux des difficultés considérables. Le personnel fut mobilisé, le papier se fit rare, la diffusion était compliquée par les problèmes que connaissait le réseau ferroviaire, lequel avait contribué à son essor, à sa diffusion. La conjoncture - la montée des prix et en particulier de celui du papier - obligea les journaux à augmenter leur prix de vente, ce qui en ces années difficiles leur fit perdre nombre de lecteurs, ce malgré la diminution des frais consécutive à la réduction de la pagination - on était passé de quatre à deux pages. Il convient d'ajouter que les journaux avaient souvent une trésorerie peu florissante du fait du peu de marge réalisé pendant de nombreuses années. Un des premiers effets de ces difficultés fut la disparition d'un grand nombre de journaux. Il y eut pendant cette période, en Basse-Normandie, deux fois plus de fermetures - 54 - que de créations, 26. 33 cessèrent toutes activités en 1914. Une autre répercussion du conflit fut la fusion des titres. Aussi, cela fut-il le cas dans le Sud-Ouest de la Manche. Parmi les 20 journaux qui cessèrent de paraître après la déclaration de guerre, 3 des 5 titres qui jusqu'à cette date étaient des éditions cantonales du Réveil Avranchinais, ainsi que ce dernier, parurent quotidiennement pendant toute la durée des hostilités sous le titre unique de Réveil. Nouvelles de la Guerre. La censure allait jouer à plein. Le Ministère de la Guerre contrôlait les publications au moyen du Bureau de presse. Une morasse, c'est à dire une épreuve des pages de leurs journaux devait être déposée par les journaux et le bureau de presse censurait les textes qui faisaient preuve de trop de liberté. Le Ministère de la Guerre donnait des instructions aux Préfectures lesquelles les transmettaient à la presse. On recommandait de ne pas toucher aux obus ou encore la presse informait les réservistes de telle classe ou telle classe d'un départ imminent. Ce manque d'information est significatif d'une censure omniprésente. Si les journaux ne respectaient pas les ordres, ils s'exposaient à des saisies voire à des poursuites et à des suspensions. Le conflit servit de prétexte pour interdire de publication plus facilement qu'en temps de paix : plus que jamais la censure fut une arme politique. 11 journaux de la région furent censurés et saisis pendant le conflit. |
3e Région Caen, le 25 décembre 1916 Place de Caen Le Général CHAPLAIN Commandant d'Armes à Monsieur le Préfet du Calvados J'ai l'honneur de vous communiquer message ci-après que je reçois de la 3e Région ; CONSIGNE DE PRESSE. Ne pas laisser passer dans les journaux aucune information relative à des exécutions de femmes espionnes. A.D. Calvados, R. 2537 |
Ces années sont marquées par le déclin du régime parlementaire. Le nombre croissant de scandales, les attaques répétées de l'extrême droite font vaciller le pouvoir. La succession du Sénateur de l'Orne, Robert Leneveu, décédé, allait donner lieu à une passe d'armes entre feuilles républicaines et conservatrices, entre La Tribune de l'Orne, L'Écho de l'Orne, l'Écho de Paris, d'une part et Le Courrier normand, L'Informateur de l'Orne et L'Avenir de l'Orne d'autre part. Des plumes illustres, telles celles d'Henri de Kérillis et de François Albert, et moins connues - Albert Ranc - se prononcèrent pour l'un ou pour l'autre des candidats. Très vite, cette élection sénatoriale partielle intéressa la France entière tant elle dépassait les murs de la cité des ducs d'Alençon. Les émeutes du 6 février 1934 sont d'une rare violence. Le Front Populaire remporte les élections de mai 1936. Le gouvernement fait interdire les Ligues et autres mouvements paramilitaires, ce qui vaut à Roger Salengro d'être la cible de l'extrême-droite. La montée du fascisme inquiète aussi quand il ne fascine pas. Le Pays normand et le Réveil Falaisien, pour ne citer que ces deux journaux de gauche se font l'écho des nouvelles d'alors, et quelles nouvelles. Le baron Georges Roulleaux-Dugage, député de Domfront et propriétaire du Courrier de Flers loue, quant à lui, les politiques natalistes allemandes et italiennes et n'hésite pas à remettre en cause la démocratie et la République(*). Tout comme Mussolini qui débuta sa carrière à l'extrême-gauche, certains hommes politiques français suivent le même chemin. Mais qu'il est déroutant de lire dans un journal censé défendre les travailleurs et qui se référe à l'Humanité des propos odieux. Le Journal des Charbonniers est pour le moins équivoque. L'entrée de Gustave Guérin, député sortant de Mortain, au Palais du Luxembourg en décembre 1936, provoque une élection législative partielle en 1937. Ce scrutin revêt une signification particulière. C'est en effet la première fois que le Parti Social Français (P.S.F.), héritier de la ligue des Croix de Feu, présente un candidat à une élection législative. Candidat qui aurait pu être Jean Goy, Président de l'Union Nationale des Combattants, mouvement le plus à droite des associations d'anciens combattants. Connu pour être allé serrer la main d'Hitler, Goy fonda plus tard, avec Marcel Déat, le très collaborationniste Rassemblement National Populaire (R.N.P.). L'Écho de la Manche porte en sous-titre : "organe de Rénovation politique, sociale et paysanne.", Vichy avant l'heure somme toute. Les relations internationales sont au plus mal. Le conflit est inéluctable. Les troupes allemandes franchissent la frontière polonaise. Le jeu des alliances entraîne le pays dans la guerre. |
Le déclin amorcé se concrétise avec la déclaration de guerre, le 3 septembre 1939. Une série de mesures répressives et préventives est édictée par décrets-lois. Le 26 août la presse communiste est interdite. Vichy s'installe sans coup férir. La presse est de nouveau muselée et la censure sévit. La presse accueille favorablement le nouveau pouvoir. Certaines feuilles poussent le vice jusqu'à collaborer ouvertement et faire l'apologie du régime. L'Ouest-Éclair et la Presse Quotidienne Caennaise illustrent cette tendance tout comme L'Éclaireur, journal républicain de Basse-Normandie. Ce dernier journal est alors dirigé par Gustave Guérin, ancien député de Mortain, qui en 1943, écrit un article laudateur sur Jacques Doriot dans l'Opinion de la Manche. La presse clandestine circule tant bien que mal. Une feuille, Front national, publiée par un groupe de résistant communiste paraît. La Libération voit nombre de journaux disparaître sous les bombes ou sont interdits par les ordonnances prises par le Gouvernement Provisoire de la République Française. Une véritable épuration débute alors. Une nouvelle presse voit le jour, souvent dirigée par des résistants, d'obédience démocrate chrétienne et - ou gaulliste. Le Monde, Ouest-France, Liberté de Normandie, La Renaissance du Bessin sont autant d'exemples. |
Brevet
Méthodologie : Rédiger un développement construit
Histoire
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